mercredi 11 juin 2008

Le salaire





Pantalone

Mais que veux-tu Paillasse, cesse donc de me suivre
N'aurais-tu dans la vie aucune raison de vivre,
Pour t'accrocher à moi, tel un pou de toison,
A toute heure du jour, partout dans ma maison ?
Crois-tu qu'il va pleuvoir ? Toujours la main tendue...



Pagliaccio
Je n'attends pas la pluie, patron, je ne veux que mon dû.

Pantalone
Ton dû ? Voilà un mot que je ne connais pas.
Mais puissé-je l'apprendre avant l'heure du trépas.
Je ne me souviens pas te devoir quelque chose!
Quelle sotte fantaisie ! Et quelle en est la cause ?


Pagliaccio
Toute peine, dit-on, mérite son salaire
J'entends être payé pour ce que je vous sers

Pantalone
Tu es logé, nourri, traité comme il se doit.
Et en sus du couvert et du gîte, tu reçois
Quelques appointements ma foi fort confortables
Pour l'honneur que tu tires de servir à ma table.
Et, principal motif de satisfaction
Sois assuré de ma considération.


Pagliaccio
Certes, je suis payé pour dresser le couvert,
Pour garnir les assiettes et pour emplir les verres,
Chacun de vos convives a pour moi à la bouche
Eloges et compliments qui par ma foi me touchent
Mais si vous me voyez ainsi la main tendue
C'est seulement patron pour réclamer mon dû.

Pantalone
Es-tu stupide ou fou ? Je viens de te le dire
Faut-il payer encore pour l'air que tu respires
Lorsque tu ne fais rien entre deux déjeûners ?
Je ne rétribue pas du temps pour lanterner


Pagliaccio
Je brosse les tapis, vous ne le nierez pas

Pantalone
Sais-tu ce que me coûte l'usure de tes pas ?

Pagliaccio
Payez-moi donc alors, pour l'ouvrage au jardin
Je sarcle, bine, bêche, j'essarte les rondins
J'effectue les semis, je plante, je bouture,
Je retourne la terre au prix de courbatures
J'entretiens les massifs, taille les rosiers
Récolte pour vous l'or des arbres fruitiers
Par n'importe quel temps, soleil, pluie, vent et brume,
La sueur de mon front arrose vos légumes

Pantalone
C'est vrai, je m'en régale, quelle délectation !
Ne m'avais-tu pas dit que c'était ta passion ?
Lorsque je t'engageai, ne t'en es-tu vanté ?
Ah ! Quel vilain défaut, que cette vanité
Quand elle s'accompagne de lamentations
Jardinier braillard !


Pagliaccio
Non ! Revendication !
Il se trouve patron que vous demandiez
Lorsque vous m'engageâtes, comme cuisinier
Quels étaient mes talents dans les autres domaines
Qu'ils compteraient pour moi, qu'ils seraient une aubaine
Pour trouver un emploi dans votre résidence
Je vous ai répondu en toute confiance.


Pagliaccio
Alors réjouis-toi, tu fais ce que tu aimes
Ne va pas par humeur te créer de problèmes
Il y a tant de gens qui guettent ton office,
Prêts à rapetisser leurs vues de bénéfices
Les envieux envient toujours les mieux lotis
Réfléchis à cela, cesse tes lamenti.
Où est ton intérêt, dans ton remplacement ?
Nous y perdrions tous ! Toi, moi, amèrement.
Je ne survivrais pas à ta démission.
Pleurer à chaque instant ta disparition
Devoir affectionner un autre maître-queux
Tout en me rappelant tes discours belliqueux
La bonne chère hélas me paraîtrait bien fade
Si pour question d'argent tu prenais l'escapade.
"Si tu veux gagner plus, il faut travailler plus"
Dit "Quinque Cerebra Bene Irriguus",
Notre maître à penser, le grand théoricien
En plus trivial : l'heure sup', c'est pas fait pour les chiens
Inspire-toi de lui pour ton plus grand profit :
Conserver ton salaire ! Si cela ne suffit
Travaille davantage, quelques heures au total
Ton pactole enflera comme voile au mistral.

lundi 2 juin 2008

Le meilleur du poulet


(Arlequin)

Le meilleur du poulet, ça n'est pas l'aileron,
me confiait hier, le brigadier Lampion.
Le meilleur du poulet, ça n'est pas le pilon
m'expliquait à son tour l'adjudant Cotillon.
Ni même le sot-l'y-laisse, laissons-le aux couillons.
Le meilleur du poulet, c'est toujours le croupion !
Scandaient les deux pandores, en tournant les talons.
Ils allaient à la fête, Lampion et Cotillon
A la fête annuelle des bourre-bourrichons
Au sortir des écoles, armés de leur bâton,
Bouclier à la main, casque sur le citron,
Ils allaient cabosser, les boîtes à réflexion
De ceux qui font état de contestation.
Mais le doux Cotillon, le sensible Lampion
N'ont le cœur ni le goût de bosseler les fronts.
Des enfants implorant de bonnes conditions
Pour s'abreuver de science, se gorger de raison.
Cotillon prit la main du brigadier Lampion
Lui glissa à l'oreille ces simples mots : Fuyons
Je n'aime ni Darcos, ni Sarkos, ni Fillon
Allons-nous en, cédons à notre passion
Et ils se débinèrent, roulant du troufignon
Joyeux en chantonnant gaiment sur tous les tons
«Le meilleur du poulet, ça n'est pas l'aileron,
Le meilleur du poulet, ça n'est pas le pilon
Ni même le sot-l'y-laisse, laissons-le aux couillons.
Le meilleur du poulet, c'est toujours le croupion !»